06/07/2012

Charlotte Rampling, une timide qui n’a peur de rien


Portait. Elle a trouvé l’apaisement… et pose en incroyable héroïne de manga pour le peintre Jacques Bosser. Découvrez notre diaporama.

 François Bourboulon - Parismatch.com 

 b>Par Catherine Schwaab/Paris Match
Photos Jacques Bosser
A la brasserie La Lorraine, à Paris, le personnel a l’habitude d’accueillir des politiques, des hommes d’affaires, des animateurs télé, des acteurs, Jeanne Moreau une ou deux fois par semaine... Mais Charlotte Rampling, c’est la première fois. Alors comité d’accueil en rang d’oignons quand elle pousse la porte à 19 heures précises. L’actrice est tout étonnée. Elle a beau être adulée dans le monde entier, elle conduit elle-même sa Mini rétro vert foncé, et ne fait pas partie de ces stars incapables de faire un pas toutes seules. Charlotte a élevé trois enfants, elle est trois fois grand-mère et n’a jamais perdu de vue les réalités pratiques. D’ailleurs, observatrice ce soir, elle compte brièvement les clients clairsemés : « Est-ce la crise ? Ou il est encore trop tôt ? »
Petite coupe de champagne, et pas de sourire de complaisance. La lumière n’est pas particulièrement flatteuse, pourtant son célébrissime visage à peine maquillé semble immuable. Sa fine silhouette en noir et beige ne doit pas dépasser les 50 kilos. Elle balaie tout de suite la question qui dérange : « Liv Ullmann disait : “Pas de chirurgie esthétique, je suis trop curieuse de me voir évoluer au fil des années.” Je suis comme elle. » On la croit sans problème. Charlotte n’est pas du genre à barguigner avec la vérité.
En acceptant, à 62 ans, de poser en personnage de manga pour le peintre Jacques ­Bosser, elle savait aussi que les retouches seraient impossibles. Il travaille à la pellicule argentique, question de démarche artistique. Elle a l’habitude. « J’adore ça. Pas de tricherie. C’était pareil avec Helmut Newton. Et aujourd’hui aussi, avec les artistes Juergen Teller ou le réalisateur Steve McQueen. Avec Bosser, je ne me suis même pas regardée dans la glace pendant la préparation... Une fois que j’ai dit oui, j’y vais à fond, sans filet. Sur le fil du rasoir. Je suis entre leurs mains. » Une timide qui n’a peur de rien. Le peintre l’a approchée lentement : « Sa timidité est... intimidante. Elle parle peu, elle observe... Nous avons dû nous apprivoiser. » L’intéressée confirme : « Il faut être animale, sentir le bouillonnement créatif pour qu’un truc se passe... »

Dans le silence de l’atelier de pierre blanche à Montrouge, en banlieue ­parisienne, le « truc » s’est passé. Très bref. Intense. Onze « tableaux » en deux jours. Les enfants de la star ont adoré. Sa dentiste aussi. A tel point que celle-ci en a exposé un, immense, dans son entrée ! Quand les patients débarquent au cabinet, ils comprennent tout de suite que leurs couronnes n’auront rien de la denture standard à l’américaine.
Quant à son compagnon, Jean-Noël Tassez, il est resté, disons... dubitatif, ne goûtant pas spontanément le court-circuit entre l’icône éternelle qu’est la femme de sa vie et sa version « cartoon ». Elle rit : « Il m’a dit : “Je ne suis pas sûr de t’aimer énormément dans ce personnage...” Il me préférera probablement en chirurgien esthétique dans le prochain film de Jonathan Nossiter [l’auteur de “Mondovino”]. Une femme chirurgien qui dissuade les clientes de se faire opérer ! C’est du deuxième degré. » On ne se refait pas.
Avec Jean-Noël, cet homme d’affaires qui partage sa vie depuis déjà douze ans, elle a trouvé l’apaisement. « J’aime son calme. Sa tolérance. Il n’a jamais cherché à me changer. Et en même temps, il m’apporte un équilibre. J’avais besoin d’un homme comme lui, je suis trop dans les extrêmes, les contradictions. » Les extrêmes, c’était sa vie avec Jean-Michel Jarre. Une sorte de « gémellité » créative très féconde, certes, mais parfois épuisante. « Oui, c’était une effervescence mutuelle... »
Ses vingt ans avec Jean-Michel furent aussi vingt années de furieux combats intérieurs, qu’elle a évoqués dans quelques interviews. Avec une lucidité intransigeante, elle réussissait à définir en mots ses accès brutaux d’autodestruction. Certains journalistes en sont restés bluffés. « J’avais décidé de prendre les vraies interviews au sérieux. Et alors ce fut une recherche. Pas des réponses toutes faites, mais le fruit d’une réflexion analytique ; un peu comme le travail que j’ai fait sur moi-même. »
Une psychanalyse réussie. Depuis « Swimming Pool », de François Ozon, elle en recueille les fruits : « J’ai pu m’ouvrir, me détendre, moins accablée par le poids de mes doutes existentiels. Je me sens plus légère. Mon côté noir ne me prend plus tout mon temps. » Le visage grave, elle relève ses lourdes paupières... et darde ce troublant regard qui ne ment jamais. N’allez pas vous imaginer que Rampling est devenue Blanche-Neige.

Source: parismatch

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