03/09/2014

Le Marco Polo du synthétiseur

20 juillet 1981


Les Chinois ont I’erhu, un violon à deux cordes, et 1a pipa, une .sorte de luth, dit .Jean-Michel Jarre. « Moi, j’ai mes synthétiseurs. Leur musique est essentiellement liquide. » IIs étaient destinés à s’entendre… Entente cordiale. Harmonie. Unisson. Le mariage sera célébré entre le !5 et le 30 octobre : deux concerts à Pékin, deux à Shanghai. Devant des milliers de Chinois. Et sous l’oeil de caméras européennes et américaines, les Français n’ayant pas encore décidé de s’associer à un événement qui fera date.

Ces quatre concerts, Jean-Michel Jarre vient de les préparer sur le terrain même, jardins et stades, en compagnie de musicologues chinois. 11 y jouera un peu d’ « Oxygène », beaucoup d’ « Equinoxe », « Les chants magnétiques », sa dernière production (déjà des dizaines de milliers de disques vendus) en tonalité. Et, avec des musiciens du cru, une composition inédite.

Thème : l’amitié franco-chinoise. Etrange aventure qui donne à Jean-Michel Jarre, 33 ans, les allures d’un Marco Polo du synthétiseur. Tout cela parce que, le 14 juillet 1979, il rassemblait, pour un concert, un million de personnes sur la place de la Concorde. Ce mouvement de masse insolite dans un pays occidental avait de quoi attirer l’attention des autorités chinoises, toujours subjuguées sinon par le grandiose, du moins par la multitude. Du coup, au début de l’été 1980, Jarre était invite à donner une série de conférences à Pékin, à y présenter ses neuf synthétiseurs. Et, le 14 juillet, la radio chinoise – cinq cents millions d’auditeurs – diffusait « Oxygène » et « Equinoxe ». Depuis, l’atmosphère est au beau fixe. Le ministère chinois de la Culture ne ménage ni ses sourires ni son aide. Les conservatoires commencent à s’initier aux « synthé », à étudier leur adaptation aux musiques traditionnelles. Enfin, notre propre ministère de la Culture, réticent sous Jean-Philippe Lecat, se montre beaucoup plus enthousiaste sous Jack Lang.

Normal : I’an dernier, Jean-Michel Jarre avait pris le même avion que François Mitterrand, de retour de Chine lui aussi. Trente heures de conversation à bâtons rompus et de propos en l’air avaient permis à Jean-Michel Jarre d’évoquer la grande misère des musiciens français, de détailler ses propres projets : « Deux nuits ensemble, avait dit Mitterrand, que nous pourrons chacun noter dans nos mémoires… » En attendant mieux, c’est une caution, morale, pour les concerts d’octobre.

ROBERT MALLAT

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